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Dérivé du cholestérol : une autre voie pour traiter le cancer du sein


Dérivé du cholestérol : une autre voie pour traiter le cancer du sein

Certains cancers du sein portent des risques élevés de rechute ou sont très agressifs. Des chercheurs du Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT) à l’IUCT-Oncopole viennent de découvrir une nouvelle piste thérapeutique reposant sur la transformation du cholestérol. Les premiers essais cliniques sont en préparation. L’étude est publiée dans la revue scientifique de l’Académie des sciences des Etats-Unis (PNAS).


Environ 54 000 cas de cancers du sein sont diagnostiqués chaque année en France. Ce chiffre recouvre des réalités différentes. 80% d’entre eux sont hormonosensibles ; c’est-à-dire qu’ils sont stimulés par les hormones féminines, notamment les œstrogènes. 40% présentent des facteurs de récidives. Enfin, 15 à 20% des cancers, très agressifs, dits « triples négatifs » sont plus difficiles à soigner ; non hormonosensibles, on les observe plus fréquemment chez les jeunes femmes.

Les œstrogènes ont un rôle majeur dans la prolifération tumorale. Aussi, depuis 1996, la stratégie thérapeutique pour les cancers hormonosensibles repose sur la castration des œstrogènes par des médicaments, suivie de plusieurs années d’hormonothérapie.

Dans la majorité des cas, ces traitements apportent de bons résultats. Les difficultés persistent en ce qui concerne la maîtrise des risques de rechutes et la prise en charge des cancers « triples négatifs » qui n’ont pas, à ce jour de thérapies ciblées. 

L’équipe de recherche toulousaine du CRCT, un laboratoire mixte Inserm, université Toulouse III – Paul Sabatier, coordonnée par les Dr Sandrine Silvente-Poirot et Marc Poirot a découvert une voie qui pourrait apporter de nouvelles solutions thérapeutiques, y compris pour les cancers difficiles à soigner.

 

La nouvelle voie

Ils ont identifié un dérivé du cholestérol ayant des propriétés anti-tumorales, appelé, la dendrogénine A (DDA). La DDA est présente dans les cellules saines mais disparaît dans les cellules cancéreuses pour laisser la place à l’OCDO : un dérivé qui favorise la prolifération tumorale. A l’origine de cette transformation, une dérégulation (étude* en 2013).

Quel est l’enzyme responsable de la dérégulation ? Peut-on en bloquer les effets ? Ces questions allaient animer le déroulement de la dernière étude de l’équipe toulousaine dont les résultats viennent d’être publiés dans PNAS, la revue scientifique de l’Académie des sciences des Etats-Unis.

 

Des résultats positifs en pré-clinique

Les résultats in vitro et in vivo ont confirmé l’existence de ce mécanisme de dérégulation aussi bien dans les cancers hormonosensibles que dans les cancers « triples négatifs ». L’enzyme a été identifié.

A chaque étape de l’étude, les mêmes constats sont faits :

  •  l’OCDO active bien la prolifération tumorale dès qu’il se place sur les récepteurs du cortisol de la cellule tumorale. Il prive ainsi la cellule cancéreuse des effets anti-inflammatoires du cortisol ;
  • la production d’OCDO peut être bloquée par la DDA ;
  • l’analyse d’échantillons de patients confirme les niveaux élevés de l’enzyme qui produit l’OCDO dans les tumeurs **. 


Les chercheurs ont complété leurs investigations sur un panel de plus de 5 000 échantillons de tumeurs humaines mammaires. Ils en retirent une information complémentaire. À savoir qu’un fort taux d’OCDO est associé à un moins bon pronostic vital pour les patients.

 

Quelle offre thérapeutique est-elle envisageable à court terme ?

L’IUCT-Oncopole pourra envisager des essais cliniques sous peu. Contre l’OCDO, deux stratégies peuvent être mises en place :

  1. inhiber la production d’OCDO en augmentant les taux de DDA dans l’organisme (effet anti-tumoral). Cela pourrait se faire par un traitement avec la DDA, qui complémenterait la déficience de sa production. Les données « pré-cliniques » sont positives et peu d’effets secondaires sont observés.
  2. bloquer l’action de l’OCDO en l’empêchant de se fixer sur le récepteur du cortisol (il contrôle l’inflammation).

Ainsi, cette étude a permis des découvertes importantes qui devraient avoir des implications majeures pour la biologie, le diagnostic des cancers du sein et le développement de nouvelles approches thérapeutiques.

Ce travail a été coordonné par les Drs Sandrine Silvente-Poirot, directrice de recherche au CNRS, et Marc Poirot, directeur de recherche à l’Inserm, avec le service de sénologie dirigé par le Pr Florence Dalenc. Il constitue un bel exemple de recherche transversale allant de la chimie à la médecine. Il implique des chercheurs et des cliniciens de plusieurs EPST et centres hospitaliers (CNRS, Inserm, CRCT, l’Université de Toulouse, l’Institut Claudius Regaud et l’IUCT-Oncopole). Une entreprise issue de l’Inserm (Affichem) ainsi que des collaborations externes incluant l’IRCM de Montpellier et l’Université de Sapienza de Rome (Italie).

 

* étude publiée dans la revue Nature Communications en 2013

**travail mené par le Pr Florence Dalenc, sénologue à IUCT-Oncopole, avec le service d’anatomopathologie.

 

Référence:

 “Identification of a tumor-promoter cholesterolmetabolite in human breast cancers acting through the glucocorticoid receptor”. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017 Oct 31;114(44).

Voisin M, de Medina P, Mallinger A, Dalenc F, Huc-Claustre E, Leignadier J, Serhan N, Soules R, Ségala G, Mougel A, Noguer E, Mhamdi L, Bacquié E, Iuliano L, Zerbinati C, Lacroix-Triki M, Chaltiel L, Filleron T, Cavaillès V, Al Saati T, Rochaix P, Duprez-Paumier R, Franchet C, Ligat L, Lopez F, Record M, Poirot M, Silvente-Poirot S.