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Toulouse structure son programme d’immunothérapie en oncologie


Toulouse structure son programme d’immunothérapie en oncologie

L'immunothérapie est en passe de révolutionner la prise en charge des cancers. Elle consiste à traiter le cancer en utilisant notre propre système immunitaire. Les travaux d'immunosurveillance des cancers ont abouti il y a une trentaine d'années au développement de stratégies thérapeutiques telles que l'allogreffe de moelle ou l'injection d'interleukines 2 (premières formes d'immunothérapie). 


Ces approches ont démontré une efficacité antitumorale avec cependant des effets secondaires difficilement acceptables. Les progrès récents dans la compréhension des mécanismes qui conduisent les cellules tumorales à échapper à la vigilance du système immunitaire ont permis la mise au point de médicaments spécifiques, dont les résultats cliniques apparaissent au grand jour.
L'IUCT Oncopole, l'IUCT Rangueil-Larrey, l'IUCT Purpan, très investis dans ces traitements innovants, structurent leur programme de soins, de recherche clinique et de recherche fondamentale dans ce domaine. Cette mobilisation va permettre d'accélérer le développement de cette nouvelle arme thérapeutique. Les études présentées au 52econgrès mondial de l'American Society of Clinical Oncology (3-7 juin2016) témoignent de cette dynamique.

 

1. Le projet toulousain d'immunothérapie

L'immunothérapie est un champ thérapeutique en pleine évolution. Elle s'appuie sur des outils de plus en plus sophistiqués (approches technologiques) et nécessite une organisation spécifique de prise en charge.

Le projet s'articule autour de 7 axes :

  1. Une organisation de la prise en charge sur les trois sites incluant des protocoles de soin et de surveillance communs.
  2. Une veille et une gestion des effets secondaires encore peu connus et spécifiques : les équipes sont formées à l'observation de ces effets et gèrent via un bureau des essais cliniques les données recueillies. Les équipes disposent d'un savoir-faire en matière d'éducation, de dépistage et de traitements d'une partie de ces effets secondaires.
  3. Une plateforme d'immuno-monitorage pour le suivi biologique des patients. Son objectif est aussi d'identifier et de valider des biomarqueurs de réponse au traitement.
  4. Des plateformes techniques collaboratives de biologie moléculaire, d'hématologie, d'anatomopathologie, une pharmacie avec expertise en recherche clinique…
  5. Une recherche fondamentale avec l'accueil de nouvelles équipes sur le CRCT et la création d'une chaire d'immunologie fondamentale.
  6. La diffusion des informations dans tout le réseau de professionnels régionaux via Oncomip.
  7. Des partenariats internationaux sur des programmes de pointe.

 

2. Les avancées majeures toulousaines en immunothérapie présentées au congrès de l'ASCO

Une communication orale sur le myélome multiple

Le Pr Michel Attal, directeur de l'IUCT Oncopole, et son équipe ont conduit les travaux sur une méta-analyse de données individuelles de trois études évaluant l'intérêt du Lenalidomide en traitement d'entretien post-greffe pour le myélome multiple.

Trois études randomisées ont évalué l'intérêt du Lenalidomide en traitement d'entretien post-greffe pour le myélome multiple. Les trois études avaient comme objectif principal la survie sans progression et ont démontré la supériorité du Lenalidomide concernant cet objectif principal. Comme aucune des études n'était en mesure de détecter un avantage de survie, une méta-analyse des données individuelles des patients inclus dans ces 3 essais a été réalisée. Cette méta-analyse met en évidence un avantage de survie de 2 ans du bras recevant le Ledalidomide en maintenance.

Immunothérapie : de quoi parle-t-on ?

L’immunothérapie stimule le système immunitaire pour qu’il détruise les cellules cancéreuses. Ces traitements ne se contentent plus de bloquer le développement de ces cellules mais ont vocation à les détruire. Tout se passe comme sur un champ de bataille : ces nouveaux traitements vont armer les cellules immunitaires jusque-là repoussées par les cellules cancéreuses afin de leur permettre de les éradiquer.

Cancers bronchiques : du nouveau

Le congrès de l'ASCO l'année dernière avait été marqué par de grands essais cliniques montrant la supériorité de l'immunothérapie sur la chimiothérapie dans les cancers bronchiques prétraités. Cette année aura permis de valider ces acquis et d'apporter des précisions.

Il n'y a pas eu de nouvel essai majeur rapporté mais un suivi à plus long terme des patients traités par immunothérapie. Il apparait ainsi que le bénéfice de l'immunothérapie se renforce avec le temps et que les patients qui en bénéficient en tirent très longtemps profit avec une supériorité encore majorée par rapport à la chimiothérapie.

A l'ASCO 2016, l'essai porté par le Pr Julien Mazières (unité d'oncologie cervico-thoracique, Hôpital Larrey CHU/IUCT Rangueil-Larrey) montre que le bénéfice de ces molécules se poursuit même après leur arrêt, témoignant probablement d'une stimulation prolongée du système immunitaire. De nouvelles molécules ciblant la réponse immunitaire, dont certaines accessibles dans le cadre d'essais cliniques à Toulouse, ont également fait l'objet de communications soulignant leur intérêt.

 

Mélanomes : on confirme l'acquis et l'innovation se poursuit

Les progrès thérapeutiques dans le mélanome se confirment. Les équipes toulousaines sous la responsabilité du Pr Nicolas Meyer (dermatologie, Hôpital Larrey CHU/IUCT Rangueil-Larrey et Oncopole) participent aux études internationales présentées à l'ASCO 2016.

L'efficacité des immunothérapies est de nouveau renforcée avec des résultats à long terme des études de phase III concernant le pembrolizumab, un inhibiteur de PD1 (un checkpoint immunologique), le Nivolumab, un autre inhibiteur de PD-1 et l'apparition des immunothérapies de 3e génération. Les résultats des études de phase II et III évaluant l'association du nivolumab, (un autre inhibiteur de PD1), et l'ipilimumab confirment la supériorité de cette association sur le nivolumab seul et également sur l'ipilimumab seul, avec des réponses de longue durée.

 

Cancers digestifs : des perspectives prometteuses

Des résultats très encourageants concernant l'efficacité du pembrolizumab avaient déjà été annoncés pour un sous-groupe de cancers du côlon et du rectum (3e cancer le plus fréquent en France) sélectionnés sur la base d'un biomarqueur tumoral. Ils ont été confirmés au cours du congrès et ont déjà mené à l'ouverture de nouvelles études auxquelles participe l'équipe du Pr Rosine Guimbaud (unité d'oncologie digestive, Hôpital Rangueil CHU/IUCT Rangueil-Larrey).

Au sein du territoire Midi-Pyrénées, l'organisation de l'IUCT a permis d'assurer d'emblée un maillage régional efficace pour accéder à la réalisation de ce biomarqueur qui bénéficie maintenant à d'autres types tumoraux pour l'accès à des essais d'immunothérapie de phase précoce ou plus avancée. En cancérologie digestive, le champ des immunothérapies est en cours d'exploration avec de nouveaux essais ouverts et en cours d'ouverture dans le cancer colorectal mais aussi de l'estomac, de l'œsophage et autres tumeurs digestives (IUCT Rangueil-Larrey).

 

Tumeurs solides avancées : des résultats prometteurs pour un essai de phase I

Cette étude évalue la molécule SAR566658, un immunoconjugué cytotoxique anti-CA6 chez les patients atteints de tumeurs solides avancées CA6 positives. Les travaux sont conduits par le Dr Carlos Gomez-Roca (oncologie médicale, IUCT Oncopole)

Un immunoconjugué cytotoxique (ADC en anglais) permet de combiner la spécificité d'un anticorps monoclonal, dirigé ici contre l'antigène CA6 surexprimé dans les tissus tumoraux solides d'origine épithéliale, à une chimiothérapie cytotoxique DM4, via un agent de liaison.

L'objectif de l'essai est d'établir la dose maximale tolérée et la dose recommandée du SAR566658 administré par voie intraveineuse chez des patients atteints de tumeurs solides avancées CA6 positives (ovaire, sein, cancer du poumon à grandes cellules, col de l'utérus, vessie). Cette étude porte également sur l'évaluation pharmacologique et pharmacocinétique de cette molécule ainsi que les premières mesures préliminaires de son efficacité. Le protocole d'administration étudié apporte un profil de sécurité satisfaisant, notamment au niveau ophtalmologique, ce qui est une problématique fréquente dans cette famille des médicaments, avec une réponse antitumorale encourageante au niveau de différents types de tumeurs. Il est ainsi sélectionné pour des investigations cliniques plus poussées, notamment pour les tumeurs du sein triple-négatif métastatiques.

Au 52e congrès de ASCO, l'IUCT Oncopole, l’IUCT Rangueil-Larrey et l’IUCT Purpan ont totalisé plus de 42 participations à des programmes de recherche dont un quart en immunothérapie.